Dans ce numéro un hommage est rendu à Eric Duyckaerts, artiste-philosophe liégeois décédé le 26 janvier 2019 à l'âge de 65 ans, connu pour ses conférences-performances exceptionnelles et ses vidéos. Orateur extravagant et maître à penser, il vulgarise les savoirs scientifique et philosophique, mêlant la physique, la logique et les mathématiques, aux pratiques artistiques, dans une rhétorique de l’absurde, performant et exposant à la Biennale de Venise (2007) ou encore s’exprimant sur l’euristique du virtuel au Musée des Beaux-arts de Nancy (2005), entre autres. Il a été un des cofondateurs de Groupov, un collectif d’artistes liégeois nourri par Fluxus, les Happenings, le Black Mountain College et le Living Theatre de Julian Beck. Marcin Sobieszczanski, spécialiste d’esthétique cognitiviste, témoigne ici de son talent unique et d’un projet qu’ils prévoyaient réaliser ensemble.
Dans la continuité du dossier Cybercorporéités et subjectivités, dirigé par Isabelle Choinière et Joanne Lalonde, Marie Lavorel réfléchit sur les nouvelles potentialités relationnelles d’une œuvre interactive, en tant que participante et commissaire, Wina Forget observe les effets de regroupements de corps dans les médias, Luciana Gransotto, Cristina Scheibe Wolff et Hilary Bergen s’intéressent à la notion de mobilité des corps selon une approche féministe et Louise Boisclair témoigne d’une cyberexpérience qui affecte le corps.

Eric Duyckaerts : Magister
Rien dans l’art que nous connaissons ne ressemble à l’œuvre d’Éric Duyckaerts. Pour cette raison, le métadiscours que l’on peut, potentiellement, tenir, n’aura pas de consistance, et avant tout pas de successivité sur aucune hypothétique ligne phylogénétique. Dans cette affirmation, il ne s’agit pas de l’exception que sa posture aurait pu constituer. L’homme conscient de ses finitudes, il les offrait en performance. Et si l’on peut effectivement affirmer que de performance il s’agissait, c’est bien pour cette qualité de vacillement avec lequel son contenu arrivait à la surface monstrative et auditive, pour faire sens pour celui qu’hypothéquait sa propre performance heuristique, à la poursuite du discours de Duyckaerts. Lire plus…
Cybercorporéités et subjectivités

Par le prisme des sens : médiation et nouvelles réalités du corps dans les arts performatifs.
Technologies, cognition et méthodologies émergentes de recherche-création (et autres critiques)
« Par le prisme des sens est un ouvrage provoquant, inspirant, qui met en cause le lexique et les modes de raisonnement traditionnels. Les auteurs principaux Choinière, Pitozzi et Davidson ont chacun une voix qui leur est propre ; en plus d’une substantielle introduction, ils signent les trois premiers chapitres. L’édition française de l’ouvrage est augmentée […]

Partage du sensible au sein d’une installation interactive : récit d’un processus créatif polyphonique
Avec l’intégration de dispositifs interactifs modifiant et recomposant nos sens, il ne s’agit plus seulement de communiquer une proposition esthétique figée mais de proposer, au sein d’une œuvre, de nouvelles potentialités relationnelles (Boissier, 2008). Ce déplacement de la forme vers les liens qui se tissent entre l’espace et les interacteurs est l’enjeu d’un processus de recherche-création, développé en collaboration par le chorégraphe Emmanuel Jouthe le chercheur-créateur Armando Menicacci et moi-même commissaire et co-auteure, qui va aboutir à la réalisation d’une installation interactive intégrant danse et arts médiatiques lors d’une exposition en 2020. Plus que de faire le récit d’un projet de recherche-création d’un dispositif interactif il s’agit ici d’interroger les potentiels relationnels que celui-ci peut générer.
Je livrerai quelques réflexions sur ce processus collaboratif en cours se déployant sur un temps long avec toutes les fragilités, détours temporels et créatifs, esthétiques partagées et pensées en mouvement que celui-ci implique.

Investigation sensible autour du corps émeutieret de son potentiel représentationnel
Cet article interroge la corporéité et les états de corps émeutiers. Ces corps révoltés, momentanément ingouvernables expérimentent l’émeute par la constitution de réseaux d’intensités et de forces intrinsèques à l’intercorporéité (Bernard, 2012). Ils forment une communauté subjective opérante par le partage de vidéos (Bertho, 2016), un collectif qui se prolonge grâce au numérique. En effet, la diffusion des vidéos d’émeutes est désormais indissociable de l’expérience émeutière (Bertho, 2016). Par l’entremise du spectacle vivant, les performeurs mettent en acte, à leur tour, la performativité politique du corps émeutier grâce à la contamination des états de corps générés par la visualisation abondante des vidéos d’émeutes. Ce sont des corps – sur scène, dans la rue et sur les réseaux sociaux – qui cherchent à s’instituer dans l’espace politique sans avoir recours à un procédé discursif.

Le voyage académique comme un dispositif théorique: les expériences de déplacements intellectuelles deSandra Jatahy Pesavento
À partir de la perspective des théories féministes cet article vise à présenter quelques réflexions à propos des pratiques de production de connaissances scientifiques des femmes intellectuelles contemporaines, liées à leurs expériences de déplacement à l’étranger, compte tenu les influences du contexte numérique. Les nouvelles dynamiques académiques, à travers le processus de mobilité scientifique, propose que le corps reste en état de mouvement constante, occupant l’espace intellectuel comme lieu de rupture, de productivité, de créativité et de complexité, n’étant pas un processus fermé. Nous proposons une réflexion de la reconfiguration de publication numérique d’une historienne brésilienne, Sandra Jatahy Pesavento (1946-2009).

“Not a Girl Dancing”:Gender, Spectacle and Disembodiment inthe work of Loïe Fuller and Freya Olafson
In this article, I draw links between two intermedia dance works, Loïe Fuller’s Serpentine Dance (1892-1908) and Freya Olafson’s HYPER_ (2013). Dancing more than a century apart, both Fuller and Olafson use their bodies as screens for various mediated effects, actively obscuring their corporeal female forms. In analyzing Fuller and Olafson’s work visually, in relation to an aesthetics of disembodiment and transformation, and formally, in terms of the way they make inanimate materials dance with the invisible labour of their own bodies, I seek to trace a historical continuum that understands gendered embodiment as crucial to a feminist-posthuman analysis of intermedia dance performances.