Pour reprendre une expression de Paule Mackrous, les œuvres présentées dans ce numéro évoluent comme des « empreintes lumineuses » sorties du temps passé. Que se soit les écrans LCD brisés par Oli Sorenson, à qui Mackrous consacre son texte, les reflets spéculaires de Michelangelo Pistoletto qu’analyse Eleonora Diamanti, les éclats performatifs d’une vidéo d’Anna Halprin qui a donné lieu à un texte de création philosophique par Filippo Palumbo, les projections endoscopiques de Mona Hatoum dont Nizar Mouakhar revèle la géographie nomade, ou encore les scintillements de la matière noire et les sons du cosmos imaginés par Sacha Ratcliffe que Jean-Philippe Gagnon interroge, les technologies médiatiques nous permettent de revisiter un passé virtuel pour jeter les fondements d’une histoire qui reste à faire.

Specularity, Media Art as Generative Tool :
                            Pistoletto in Havana

Eleonora Diamanti

Michelangelo Pistoletto’s solo exhibition held at the Museo Nacional de Bellas Artes de La Habana in 2017, was a celebration of this prominent figure of the Arte Povera movement’s political, social, and artistic involvement in the Cuban capital, as well as his spatio-temporal aesthetic experimentations with mirroring. This essay focuses on Pistoletto’s new Havana-based mirror series, and the artist’s research on time, inclusion and participation through materials and techniques, such as specularity, silk-screen printing, media art and the virtual. [suite...]

Technologies de la guérison

Filippo Palumbo

L’étrange exorcisme imaginé par Anna Halprin, atteinte d’un cancer, et le rôle capital joué par les technologies de captation, dont l’artiste se sert et place au centre de son rituel thérapeutique, seront le sujet des réflexions de ce texte.

En un premier temps, l’artiste confie son corps aux soins médicaux ordinaires, lesquels s’avèrent inefficaces. Elle change de tactique et se met à danser devant la radiographie de l’hôte sans visage qui l’a envahie. Elle conserve les traces de sa performance en se filmant. Deux semaines plus tard, plus de tumeur. Elle est guérie.

L’auteur montrera ici que le recours au Témoin caméscopique lui permet de pixelliser et de contenir, la force dévastatrice de son hôte cancérigène. L’art semble ici supérieur à la médecine, en offrant un exutoire. Lui seul guérit d’un mal qui ne serait pas physiologique, mais symbolique.  [suite...]

Dans l’écho de la matière noire :  
        Le bruit de l’inconnu de Sacha Ratcliffe

Jean-Philippe Gagnon

Entretien avec l’artiste sonore et visuelle Sacha Ratcliffe. Le Bruit de l’inconnu, installation de l’artiste, présentée à la Friche la Belle de Mai dans le cadre de Zinc, plonge le visiteur dans le vertige d’une intimité profonde entre l’exploration et les dérives de l’écoute et le déploiement des confins d’un cosmos imaginaire. Dans le cadre du Week-end des arts et des cultures numériques, son travail se démarquait par sa puissance d’évocation et sa force poétique. [suite...]

Immersion endoscopique et nomadisme :
                   Corps étranger de Mona Hatoum

Nizar Mouakhar

L'installation immersive Corps étranger de Mona Hatoum, permet de prospecter métaphoriquement l’espace méditerranéen (intérieur du bassin) à travers le prisme de l’univers visuel (intérieur du corps). A travers une lecture herméneutique, nous allons démontrer, d’abord, dans quel ordre de pensée l’œuvre de Hatoum détient des corrélations avec le concept « nomadisme » (Deleuze & Guattari) ; ensuite, comment celui-ci semble à son tour – comme pour boucler la boucle – venir renouer un contact substantiel avec la mer Méditerranée car cet article aborde la mer Méditerranée en tant que figure-matrice aux notions d’inter-continentalité et/ou d’inter-territorialité : le terme de Méditerranée vient du latin mediterraneus qui veut dire « au milieu des terres ».  [suite...]