Radicaux libres : Sur les pas de la réalisation d'une installation médiatique in situ

Jean Dubois


Radicaux libres

« Ceci tuera cela. Le livre tuera l’édifice. [...] La presse tuera l’église. [...] L’imprimerie tuera l’architecture »1. Victor Hugo expliquait ainsi dans Notre-Dame de Paris le passage de la théocratie à la démocratie à travers le remplacement des lettres gravées dans la pierre par celles fondues dans le plomb. Aujourd’hui, c’est le livre que l’on condamne à être tué par la télévision et la télévision par l’ordinateur. Si on en croit cette logique, les nouvelles machines à communiquer éliminent les anciennes au même rythme qu’elles remplacent une façon de penser par une autre. La réalité est plus nuancée. L'édition électronique n’a pas fait du codex un objet obsolète et l’ordinateur n’a pas encore rendu caducs les caractères d’imprimerie. Les nouvelles techniques ne font pas qu’innover, elles empruntent aussi beaucoup aux conventions traditionnelles. Pour forger les modèles technoculturels de demain, nous pouvons tirer encore bien des choses du passé, notamment de certaines conceptions imaginées à partir de la littérature et de l’architecture. C'est un héritage que l'on peut retrouver notamment chez Borges 2 qui a projeté des écrits insolites qui nous permettent aujourd'hui d'appréhender le déferlement d'information de l'ère hypertextuelle. Une grande part de l’œuvre littéraire de Borges est incidemment marquée par des livres fantastiques qui cherchent, en vain, à épuiser toutes les permutations potentielles des signes. Cette part de l’univers borgésien est un espace-temps aux dimensions relatives que nul ouvrage conventionnel n’arriverait à contenir. Ainsi, l’auteur a esquissé plusieurs bouquins fabuleux en les décrivant sous une forme surdimensionnée libérée des limites physiques et techniques du papier. De même, il a suggéré des cartes et des bibliothèques proportionnées à l'échelle de l'Univers qui témoignent, en quelque sorte, des limites de l’imprimé et du bâti face à la difficulté d'interprétation qui résulte de la prolifération presque infinie des écrits. C'est librement à partir de cette vision borgésienne de l'espace livresque que j'ai conçu et réalisé, en collaboration avec Philippe Jean 3, l'installation in situ Radicaux libres à la Grande Bibiliothèque du Québec 4.

Une expérience liminale de la lecture 

Un contexte comme prétexte 

Les ficelles de l'armature 

L'esprit de la lettre 

 

NOTE(S)

1 Victor Hugo. Notre -Dame de Paris. Paris, Gallimard, 1975, p. 174-175.2

2 Jorge Luis Borges. Fictions. Coll. Folio, Paris, Gallimard, 1990, Histoire universelle de l’infamie / Histoire de l’éternité. Coll. 10/18, Paris, UGE, 1994, Le Livre de sable. Paris, Gallimard, 1994.

3 Philippe Jean est designer interactif et dirige les Ateliers numériques.

4 L'installation a été présentée à l'occasion de Cité invisible : Septième Manifestation internationale vidéo et art et électronique de Montréal du 20 septembre au 1er octobre 2006.

5 Le terpistone est un tapis musical destiné aux danseurs qui est dérivé du thérémine, un instrument de musique électronique inventé en 1919. Son fonctionnement est basé sur l'effet de capacitance qu'induit le corps humain sur la transmission d'ondes radio comme c'est le cas lorsque que nous nous déplaçons autour de l'antenne radioréceptrice d'un téléviseur.

 

NOTICE BIOGRAPHIQUE

Jean Dubois est un artiste médiatique, il réalise principalement des installations. Son approche poétique et critique aborde, entre autres, les rapports interpersonnels, la textualité combinatoire et les situations réflexives. Il utilise des dispositifs interactifs intégrant le corps des spectateurs afin de produire des rencontres avec des personnages ou des environnements fictifs. Il enseigne à l’École des arts visuels et médiatiques de L'Université du Québec à Montréal et codirige le groupe de recherche et de création Interstices. Il est membre de l'institut de recherche et de création en arts et technologies médiatiques Hexagram et du conseil d'administration du centre de l'image contemporaine Vox. Ses réalisations ont été présentées à l'étranger (Chine, États-Unis, Brésil, Japon et Luxembourg) et dans plusieurs centres d'art et musées au Canada.

Remerciements :

Hexagram – Institut de recherche et de création en arts et technologies médiatiques.

CIAM – Centre interuniversitaire des arts médiatiques.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec

Champ Libre

Crédits photographiques :

© Jean Dubois, 2006

 

SITE(S) CONNEXE(S)

Cité invisible : Septième Manifestation internationale vidéo et art et électronique de Montréal, (page consultée le 17 janvier 2007), http://www.champlibre.com/citeinvisible/

Groupe de recherche et de création Interstices, (page consultée le 17 janvier 2007), http://www.interstices.ca

Les Ateliers numériques, (page consultée le 17 janvier 2007), http://www.ateliers-numeriques.net.

 

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